Ratta, le fabricant Chinois des tablettes à encre digitale SuperNote vient de sortir un nouveau modèle, successeur de ka A6X qui était en vente depuis quelques années. Il s’agit d’une tablette e-Ink de 7.8 pouces, orientée avant tout sur l’écriture et qui tourne sous un OS maison (version très customisée d’Android) qui lie polyvalence et simplicité. Pas mal d’évolutions par rapport au modèle précédent et une approche en rupture avec les principaux acteurs du marqué, qui en font un des appareils à encre digitale les plus intéressants dans cette diagonale. Son tarif, élevé par rapport à ce qu’on trouve maintenant en 10 pouces, est peut-être son principal point noir.
Matériel / Hardware
La A6X2 Nomad est construite autour d’un écran e-Ink (ou eDp pour electronic digital paper) de 7.8 pouces et de technologie Carta (donc avec une fine couche de verre; plus fragile que les écrans Mobius qui équipent les appareils 10 pouces). Au niveau du cœur de la machine, on retrouve un RK3566, et donc un processeur ARM Cortex A55 avec quatre cœurs cadencés à 1.8 Ghz. Rien de fou, mais bien suffisant pour les taches que la puce a a accomplir. La A6X2 bénéficie de 4GO de RAM, contre 2 pour le modèle précédent. Au niveau du film qui recouvre la partie supérieure de l’écran, sur laquelle on écrit, l’appareil est en FeelWrite 2, comme tous les appareils récents du constructeurs (y compris les SuperNote A5X commercialisées actuellement). Comparé aux générations précédentes, on se rapproche un peu plus d’une sensation de type papier, même si l’on est pas du tout sur ce que l’on retrouve sur la reMarkable 2 (qui nous rapproche de la sensation papier + crayon), mais il y a plus de résistance et un peu plus de grain que sur la version antérieure (qui était en un sens assez proche d’un stylo à encre sur une feuille très lisse) et on gagne un poil en luminosité et contraste.
C’est d’autant plus important que, comme sur les autres appareils de la marque, il n’y a sur la A6X2 pas de front light (éclairage venant des cotés, permettant d’utiliser l’appareil dans le noir, mais aussi d’améliorer le contraste); ce choix a été décidé, aux dires du constructeur, afin de rendre possible d’épaisseur entre la surface sur laquelle on écrit et l’endroit où s’affiche le texte. On a vraiment l’impression qu’on écrit sur la surface de l’écran, une sensation qu’on retrouve avec les appareils de Sony ou les Quaderno A5 et A4.
Évolution majeure: s’il y a sur les appareils précédents celui-ci une barre sur le coté droit qui permet d’afficher différents menus, cette barre est toujours présente mais est secondée par une deuxième barre, sur le coté gauche de l’écran. On peut les régler en droitier / gaucher. En mode droitier, celle de droite permet d’afficher les menus principaux (création de note, liens vers les derniers documents ouverts, etc.) et celle de gauche permet d’annuler la dernière action, ou de la refaire une fois qu’elle a été annulée, mais aussi de passer du mode écriture au mode effaceur.
On note la possibilité de commander l’appareil en version transparente, un design plutôt sympa et qui rend bien visible les 18 vis sur l’arrière mais aussi la modularité de certains éléments, qui devraient rendre la A6X2 facilement réparable. On peut par exemple dévisser la prise usb pour la remplace facilement. On peut aussi remplacer la batterie. Un slot microSD vient compléter le tableau et vous permet de rajouter une carte de votre choix, pas mal pour qui cherche un appareil destiné à lire des mangas ou veux voyager léger tout en emportant une impressionnante bibliothèque…

On est donc, sur le plan matériel, sur quelque chose d’assez sobre: une puce d’il y a quelques années, 4 GO de RAM, mais aussi d’assez facilement réparable, ou en tout cas plus facilement que chez la concurrence. Ce qui est un vrai plus et on peut imaginer que ce genre de décisions motive une communauté à construire un OS alternatif pour la tablette (qui devrait être, à l’avenir, disponible en deux version: Chauvet (Android 11) ou système GNU/Linux minimaliste) et la rende ainsi très durable en cas de crise chez Ratta ou d’arrêt du support logiciel dans quelques années.
Logiciel
Le système d’exploitation: « Chauvet »
Sur le plan logiciel, on est encore sur le système d’exploitation que les gens de chez Ratta nomment « Chauvet » – en référence à la grotte du même nom ! – et qui est basé sur une version allégée d’Android 11. Les A6X et A5X étant basées sur Android 8, Ratta fait un saut de quelques générations et se rapproche des versions actuelles d’Android que l’on retrouve sur les tablettes, ce qui peut lui permettre de bénéficier de quelques améliorations du système d’exploitation produit par Google, notamment pour tout ce qui concerne la gestion énergétique.
Cela a quelques implications. L’équipe de chez Ratta répète depuis des années que leur objectif n’est pas de suivre les versions d’Android de fait, ce n’est pas ce qu’ils font même en se basant maintenant sur Android 11: c’est une version qui a bientôt 4 ans et non pas la version 14 qui est sortie il y a peu. C’est l’occasion de bénéficier du noyau Linux dans sa version 5, et c’est peut-être une nécessité pour exploiter correctement le SoC (système sur une puce) sur lequel ils ont du migrer étant donné que la version précédente n’était plus disponible… Mais alors, si les A5X et A6X ne migrent pas sur cette plateforme, cela implique que l’entreprise va devoir maintenir deux branches de leur logiciel. A l’heure actuelle (fin décembre 2023), la dernière version du système disponible pour la A6X2 est la version 3.14.27. Les A5X et A6X sont pour leur part sur Chauvet 2.11.26, avec la version 2.12 actuellement en beta et qui devrait être disponible prochainement. Visiblement, la branche 3.x est basée sur Android 11 et est destinée à équiper les A6X2 et la future A5X2, et la branche 2.x est basée sur Android 8 et est celle sur laquelle les appareils plus anciens de la série « X » (A5X et A6X) vont rester. Si c’est bien le cas, est-ce que l’entreprise va continuer à faire évoluer à la même vitesse ces deux versions? Certaines fonctionnalités ne vont elles voir le jour que pour la branche 3.x, équipant les appareils les plus récents?
Si l’on suit le discours de ses communicants, il n’en est rien: les appareils plus anciens seront continuellement mis à jour. Ce n’est pas impossible, d’autant plus que certaines évolutions concernent une surcouche et devraient être facilement transposables d’une version d’Android à l’autre. Si l’on observe ce qui s’est passé lorsque la série X a débarqué, on peut craindre que les tablettes Android de première génération ne bénéficient pas de la même attention que celles de la seconde génération. En effet, si le discours lors de l’apparition des A5X et A6X était que les appareils « non-X », basés sur un système maison minimaliste seraient mis à jour et bénéficieraient des améliorations qui verraient en premier lieu le jour sur la ligne « X », cette promesse ne s’est jamais matérialisée, mais les appareils « non-X » n’ont pas évolué. Certaines promesses, répétées alors régulièrement par l’équipe de Ratta sont elles aussi restées lettres mortes, comme un accès « root » (c’est à dire permettant de prendre le contrôle de l’appareil, et éventuellement d’en améliorer son logiciel interne) aux versions qui ne sont pas sous Android, de manière similaire à ce que fait le concurrent norvégien avec sa reMarkable 2… Qu’en sera-t-il cette fois-ci? C’est difficile à dire, mais il est clair que Ratta joue ici une partie de son image: se positionner comme un constructeur qui suit une ligne bien à lui et prend au sérieux la nécessité de construire des appareils durables et d’assurer un suivi logiciel sur plusieurs années est très pertinent sur le plan marketing, mais pour que cela ne soit pas uniquement un positionnement marketing, il va falloir que les actes suivent… y compris pour les appareils de la génération antérieure, dont certains ont été encore vendus – neufs – ces dernières semaines par l’entreprise.
Minimalisme et concentration
Contrairement aux appareils proposés par Onyx Boox, le concurrent direct de Ratta sur ce segment, avec la SuperNote A6X2, tout comme c’était le cas avec les A5X et A6X, et comme ce sera probablement le cas avec la A5X2, nous sommes sur une version très limitée d’Android. Une version allégée, stripped-down. L’équipe supprime ce qui n’est pas utile, afin de limiter la consommation de ressources (hardware) ce qui permet à l’appareil d’être moins gourmand en RAM, en cycles CPU mais aussi d’être plus réactif, et plus aisé à maintenir. Franchement, sur la A6X2, c’est un succès : l’appareil est plus vif que la génération précédente. Les menus flottants se déplacent plus facilement, on navigue aisément dans les menus ou dans ses fichiers. Cette version limitée d’Android fait qu’il n’est pas possible de bénéficier du PlayStore et d’installer n’importe quelle application, comme on peut le faire, par exemple, sur la Boox Note Air 3 C. Est-ce un problème? Par forcément! Ratte ne vise, avec ses tablettes, pas la même clientèle qu’Onyx… L’expérience utilisateur est bonne, et l’appareil est centré sur la prise de note. C’est plus un carnet numérique, qui peut permettre d’ouvrir différents types de fichiers et d’annoter des documents qu’une énième tablette Android, mais dotée d’un écran e-Ink.
Toutes les fonctionnalités de base sont présentes, pour prendre des notes, s’organiser mais aussi pour annoter des documents PDF, ce qui en fait un bon appareil pour qui recherche un appareil d’une petite diagonale afin de lire et annoter des documents dans ce format. On dispose aussi d’une appli Kindle, permettant de lire les ouvrages achetés chez le géant américain, et de la possibilité de synchroniser ses fichiers avec Dropbox, Google Drive et le « cloud » de SuperNote, sur des serveurs américain, européen ou chinois.
L’expérience utilisateur est agréable, et à l’usage la seconde barre s’avère appréciable. S’il était possible, en appuyant sur l’écran avec deux doigts, de passer le stylet en mode effaceur sur la A6X, c’est maintenant plus précis, et le fait de pouvoir annuler une action par un simple geste est appréciable quand on prend des notes, on peut aisément corriger une faute d’orthographe ou améliorer une phrase que l’on est en train d’écrire.
On se retrouve donc avec des fonctionnalités de bases qui sont tout à fait adapter aux taches à accomplir sur l’appareil. La A6X2 est clairement un carnet digital doublé d’une bonne liseuse : on l’utilise pour faire ce que l’on souhaite faire (lire, prendre des notes, s’organiser) ; on peut l’utiliser totalement hors ligne (même le système de reconnaissance de caractères tourne en local, sur la machine) ; et on ne synchronise que les données que l’on désire, si on le désire. Pas de soucis avec d’éventuelles absences de mises à jour car l’objectif n’est pas de surfer sur le web ou de regarder des vidéos youtube. Un appareil pour travailler ou créer, tout en restant concentré(e)… On est donc bien loin de la BOOX Tablet Tab Mini C, le modèle en 7.8 pouces proposé par Onyx, qui est une véritable tablette sur laquelle on peut installer toutes les applications que l’on souhaite… mais dont l’interface est bien moins soignée et l’obsolescence déjà planifiée!
Serait-ce alors l’appareil idéal, le Graal des carnets numériques et liseuses avancées?
Conclusion – La A5X2, appareil e-Ink idéal?
La A6X2 est un très bon appareil pour prendre des notes, son format en fait un carnet digital passe partout, qui peut loger dans un sac de toute dimension et qui permettra de lire tranquillement un ePub dans le métro. La possibilité de changer aisément sa batterie ainsi que certains autres composants en font un appareil relativement durable, et son logiciel interne est agréable et dispose de toutes les fonctionnalités nécessaires pour lire et écrire confortablement, tout en conservant la main sur ses données personnelles, ce qui n’est malheureusement pas possible avec tous les appareils disponibles sur le marché. C’est donc un très bon appareil dans cette diagonale.
Mais cette diagonale est-elle idéale? A mon sens, pour la prise de note et la lecture de certains documents (notamment essais ou articles académiques au format PDF), un appareil en 10 pouces est plus adapté qu’un appareil avec un écran de 7.8 pouces. De plus, il est alors possible de bénéficier d’un écran Mobius, plus solide, or la casse d’écran est le principal soucis avec les liseuses et autres appareils e-Ink, un problème qui nuit à leur durabilité. C’est pourquoi l’arrivée d’écrans quasiment incassables a été une évolution qui a transformé les liseuses, notamment dans les diagonales supérieures à 6 pouces, et a participé à rendre ces appareils adapté au transport dans un sac à dos, en voyage, etc. En cohérence avec la logique de réparabilité et de durabilité qui a été choisie pour ce produit – ce qui mérite d’être saluée, tant il est difficile de changer la batterie de la majorité des produits concurrents! – on peut se demander pourquoi un écran plutôt fragile a été choisi. Sans cela, l’appareil aurait été extrêmement durable. Il me semble que dans cette diagonale le constructeur n’ait pas eu le choix… Pour qui cherche un appareil plus durable et est intéressé par plus d’espace d’écriture ou de lecture, il peut être intéressant d’attendre la A5X2, qui devrait sortir d’ici le printemps 2024 et devait être équipée d’un écran souple. Par contre, pour qui cherche un appareil en 7.8 pouces, c’est clairement une des liseuses et carnet numérique les plus intéressantes du moment, bien que son prix puisse sembler trop élevé.
Disponible sur le site officiel de SuperNote, la A5X2 n’est pas donnée: il faut en effet compter 573,60 Euros pour s’offrir la A6X2 avec le stylo le plus économique et un étui aimanté, nécessaire pour protéger l’appareil. Sans étui de protection, on descend à 502 euros, 546 si l’on souhaite le stylo HoM, plus qualitatif (mais le stylo le plus économique est agréable à utiliser, et est plus léger que le HoM). Elle offre certes bien plus de fonctionnalités qu’une « simple liseuse » comme la PocketBook Inkpad 4 mais cette dernière vaut… moins de la moitié du prix de la A6X2!
La A6X2 devrait, sur les plans matériel et logiciel, s’avérer durable, mais à l’heure ou des appareils très performants sont disponibles pour moins cher, le positionnement tarifaire de SuperNote peut interroger. De fait, de nombreux appareils sont disponibles à bas coût pour qui souhaite uniquement lire, on peut par exemple penser à la Kindle Oasis. Pour qui souhaite prendre des notes, on rappellera que les propositions de Kobo et Kindle en 10 pouces coutent à peine plus de 400 euros… c’est à dire moins que cet appareil, limité par son écran de 7.8 pouces. Bien entendu, l’entreprise qui produit la SuperNote est plus petite que ces deux géants de la liseuse, et son approche innovante est tout à fait intéressante et mérite d’être encouragée. Si elle tient parole et fournit un support logiciel (ainsi que des pièces détachées!) pour ces appareils durant de longues années, il se peut que ce coût, en apparence élevé soit justifié.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit le fait que la A6X2 est un appareil 7.8 pouces équipé d’un écran Carta, relativement fragile. Pour qui cherche un carnet digital dans cette diagonale et dispose du budget adapté il me semble qu’une A6X2 peut être un choix pertinent, mais il est clair qu’à l’heure actuelle d’autres tablettes e-Ink offrent un meilleur rapport qualité / prix, notamment si l’on regarde ce qui se fait en 10 pouces…
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